Si elle reconnaît que « la parole des femmes a longtemps été un objet social intrinsèquement suspect », l’avocate Anne Bouillon, pénaliste et autrice de Affaires de femmes ( éditions L’iconoclaste, à paraître le 3 octobre), estime qu’il est néanmoins « normal et cohérent » d’interroger partie civile et accusés sur leurs pratiques sexuelles, dans le cadre d’un procès pour violences sexuelles.
Pour elle, ce n’est pas tant le fait de poser des questions qui pose problème, car « toutes les questions doivent être posées », mais de savoir dans quel but et sous quelle forme. « Il y a la question qui est posée parce qu’on a besoin d’une réponse et il y a la question posée parce qu’elle véhicule en elle-même un message. Et ça, c’est de l’ordre de la stratégie », souligne-t-elle. Comme on l’a vu lors de la journée du 18 septembre à Avignon, le ton des avocats de la défense peut devenir offensif.
Elle s’est même rendu compte, avec l’expérience, qu’avoir une démarche d’écoute, « débarrassée des oripeaux des postures », permettait en réalité « une parole beaucoup plus authentique et d’aller plus loin dans les débats ».
Alors, pour la défense comme pour les parties civiles, avoir recours à des attaques est-il un passage obligé ? « Un procès, ce n’est pas forcément une arène , estime Anne Bouillon. Si le but c’est d’essayer de comprendre au plus juste ce qui s’est passé, cela ne nécessite ni agressivité, ni brutalité. Cela nécessite intelligence, perspicacité et peut-être un peu de diplomatie. »
Elle estime que lors des procès au pénal, cette posture agressive est souvent perçue comme « obligatoire pour être légitime ». Leur image publique est également un enjeu pour certains avocats. « Pour les pénalistes, les Assises, c’est une carte de visite, surtout quand c’est médiatisé , relève Migueline Rosset. Ils se montrent, ils parlent aux médias, on note leur nom. C’est comme cela qu’ils se font leur clientèle. »