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Viol sur mineur : pourquoi Anne Bouillon est contre l'imprescriptibilité

Dans un entretien donné au magazine ELLE, Anne Bouillon s'interroge sur les conséquences d'une telle mesure.
 
Publié le 14/02/2021 - Dernière modification le 31/07/2021.
© Edward Olive / EyeEm / Gettyimages

Avec l'explosion de l'affaire Duhamel, le débat sur l'imprescripibilité refait surface et avec lui son lot d'opinions favorables, qu'Anne Bouillon entend remettre en cause, en interrogeant sur ses conséquences.

Un allongement des délais de prescription récent

Faut-il laisser la possibilité aux personnes ayant été victimes de crimes sexuels lorsqu’elles étaient enfants, de saisir la justice jusqu’à la fin de leur vie ? Devant cette question, l’avocate admet qu’il s’agit d’un sujet délicat. « Je comprends parfaitement les personnes qui avancent l’idée qu’une imprescriptibilité de ces infractions permettrait une protection plus efficace des victimes. J’entends leur raisonnement [...] la parole est muselée, parfois impossible à délivrer pendant des décennies, voir une vie entière ». Il faut cependant laisser la législation de 2018 faire son œuvre, selon l'avocate : « La loi d’août 2018 est extrêmement récente et elle n’est pas anodine. On a ajouté dix ans au délai de prescription, ce n’est pas rien. Il faut voir comment la loi est appliquée et répond à l’épreuve des faits ».

Réfléchir à des alternatives pour répondre au besoin de reconnaissance des victimes

Les tribunaux jugent désormais des situations vieilles de plusieurs décennies. Trente ans après les faits, il n’y a parfois plus grand monde à la barre pour témoigner. « Assez souvent, c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre. Quand il n’y a plus d’éléments de traces matérielles, que les témoins sont décédés et les souvenirs confus, cela aboutit à un système extrêmement dangereux en termes de libertés individuelles, de garantie d’un procès équitable et d’atteinte à la présomption d’innocence » répond Anne Bouillon. « Le juge ne peut pas à la faveur d’une seule parole, aussi authentique et sincère soit-elle, considérer qu’il y a des éléments de preuve suffisants pour entrer en voie de condamnation. On ne peut pas condamner une personne sur le simple présupposé de bonne foi de la victime, c’est trop grave. Seulement, cela a une incidence délétère pour les victimes. » Sans compter que, faute d'éléments matériels probants ou le doute étant permis, le bénéfice va à l'accusé, droit français oblige.

Garder une spécificité pour les crimes contre l’Humanité

Seuls les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles. "On ne peut pas faire comme s'il n'y avait pas de hierarchie entre un crime commis contre l'Humanité et une affaire de viol. Oui dans les deux cas les situations sont horribles, mais réserver l'imprescripibilité aux crimes contre l'humanité permet de garder la raison sur l'ensemble du droit."

La prescription : un élément déclencheur

Dans certains cas, la prescription constituerait également une incitation à la parole. Dans son cabinet, maître Bouillon a reçu des femmes qui venaient la consulter car elles allaient bientôt avoir 38 ans. Sous l’empire de l’ancienne législation, c’était pour elles la dernière occasion de porter plainte avant que les faits soient prescrits. « Il me semble que la prescription peut alors aider une parole à émerger et être traitée sérieusement parce que le temps n’aura pas encore tout effacé au moment où la victime viendra déposer plainte. »

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